[Ancien blog, n'oublions pas] THX 1138
Est ressorti
cette semaine, dans trois salles parisiennes, et trois autres en France, le
deuxième film de Georges Lucas (avant Star Wars, donc), THX 1138,
présenté en "director's cut".
Il s'agit ici, contre tous les préjugés pesant sur la personne de l'auteur
(certains vérifiés, d'autres beaucoup moins), d'un grand film ; sans le porter
aux nues, car il manque, malgré tout, de la puissance d'un Brazil ou
d'un Ghost in the Shell, c'est une oeuvre remarquable, originale, et qui
n'a pas vieilli, bien au contraire.
Sur une trame attendue, typique de l'univers dystopique où il embarque son
spectateur, Lucas nous sert, par des scènes à la fois naturelles et
admirablement orchestrées, une vision très subtile, dont le caractère abstrait
n'efface pas la virulence métaphorique vis-à-vis de la société qui est la
nôtre.
Une des grandes forces de ce film est son absence complète de clichés, de
didactisme et de facilités ; point de lourds passages explicatifs qu'on trouve
dans la mauvaise SF, mais une attention sincère et véritable à ses personnages,
un déroulement à la fois contemplatif et heurté par un montage qui parasite son
récit par le parallèle administratif et totalitaire où figurent les multiples
écrans de surveillances qui quadrillent chaque seconde de la vie des
protagonistes, et suppriment toute ombre d'individualité. A ce montage,
virtuose et profondément moderne à tous points de vue, vient s'ajouter
une mise en scène proprement exceptionnelle, qui cadre admirablement les
visages et sonde la complexité des émotions, qui sait tirer parti de la nudité
de certains décors en la sublimant, et qui ne prend jamais son spectateur pour
plus bête qu'il n'est.
La société décrite, auscultée à travers le parcours d'un héros hébété et
ordinaire en butte à la répression d'un système implacable, évoque brillamment,
sans jamais dicter d'interprétation pesante, les évolutions destructrices d'un
monde dont l'horreur vient non pas d'une violence trop peu subtile, mais d'une
discrète manipulation de tous les instants, qui par là même est bien plus
efficace.
Tout cela, servi par une interprétation remarquablement épurée et une photo
impeccable, donne un film excellent, que sa retenue et son caractère peu
surprenant ne doivent pas discréditer.
Je vous le conseille donc chaudement, même si la période présente est très
prodigue en films de qualité (et c'est tant mieux !).
LM